
La littérature sur la pleine conscience continue à se développer, qu’il s’agisse de publications scientifiques ou d’ouvrages et articles destinés au grand public. Une large partie de ces derniers vantent les bienfaits de cette pratique, entre autres dans le cadre professionnel : moins de stress, plus d’efficacité, notre capacité à nous concentrer se trouvant accrue par la pratique de la méditation. Car méditer, après tout, ce n’est pas bien compliqué, nous dit-on : il suffit de ce concentrer sur sa respiration.
De là à réduire la pleine conscience à la concentration, il n’y a qu’un pas…
Or, peut-être est-il bon de rappeler que la pleine conscience est un concept quelque peu plus riche. Kabat-Zinn la définit comme l’état qui résulte du fait de porter intentionnellement attention aux expériences internes (sensations, émotions, pensées, états d’esprit) ou externes du moment présent, sans porter de jugement de valeur (in Où tu vas, tu es).
Quant au Petit Larousse, il nous explique que la concentration est l’action de porter toute son attention sur un même objet. Jusque là, pas de contradiction.
Peut-être la définition tant véhiculée de la pleine conscience mérite-t-elle d’être quelque peu enrichie, ce qu’ont proposé une équipe de chercheurs (Baer, R. A., Smith, G. T., Hopkins, J., Krietemeyer, J., Toney, L., 2006), déterminant 5 composantes de cet état :
- l’observation des sensations, perceptions, pensées et émotions ;
- l’identification avec des mots de ces observations ;
- la non-réactivité à l’expérience intérieure (pas de passage direct, de mode réflexe);
- le non-jugement de l’expérience (pas d’évaluation, de condamnation) ;
- l’agissement avec conscience (réponse plutôt que réaction).
La concentration peut dès lors nous éloigner bien loin de cet état de pleine conscience.
Un exemple ? La photo au début de cet article.
Me baladant le long d’un petit canal, j’aperçois un héron (au long bec emmanché d’un long coup…). Et l’envie de partager ce moment avec mon époux me fait sortir mon smartphone pour réaliser le superbe (…) cliché ci-dessus. Concentration. Pas de bruit. Zoomer. Clic. La photo est prise. Et l’oiseau s’envole. Et force m’est alors de constater que je n’ai pas vécu ma « rencontre » avec ce héron. Certes, j’ai la photo, mais je n’ai pas profité du moment, pas pleinement accueilli ni reconnu la surprise et la joie qui étaient là, foncé dans la réactivité (sortir le smartphone) pour peut-être même m’en vouloir de m’être comportée de la sorte (jugement).
L’idée n’est certainement pas ici de crier haro sur la concentration ! Juste une invitation à élargir notre attention, à nous offrir quelques pauses attentives, que nous soyons au travail, entre amis ou plongés dans une activité qui nous captive pour prendre conscience de ce que nous sommes en train de vivre. Car si, lorsque nous traversons des situations difficiles, désagréables, nous ne manquons pas de ressentir toute la lourdeur du moment, peut-être pouvons-nous avoir tendance à ne pas pleinement vivre les moments agréables. Des pauses attentives pour vivre pleinement les « petits moments de bonheur », somme toute.
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