BBB et CCC
La littérature cite régulièrement trois dimensions du « nouveau monde du travail » qu’elle énumère sous l’acronyme B.B.B. pour « bytes » (les outils digitaux), « bricks » (l’aménagement des lieux de travail) et « behaviours » (les comportements).
Si ces trois éléments nous semblent tout à fait pertinents, nous les considérons comme secondaires dans le sens où ils répondent à la question du « quoi » avant qu’ait été posée celle du pourquoi.
Nous proposons donc de compléter ces trois B par trois C qui devraient constituer les raisons d’être des trois B (sur lesquels nous reviendrons brièvement ensuite, d’autres documents les évoquant plus complètement).
Pourquoi innover sur le plan managérial ?
L’environnement dans lequel évoluent nos organisations est plus changeant et imprévisible qu’il ne l’a jamais été et les réponses parfois figées et sclérosées des modes traditionnels de management ne sont plus satisfaisantes.
Les 3 B constituent… peuvent constituer des éléments de réponses mais à quels besoins ?
Une lecture approfondie de la littérature relative à l’innovation managériale nous amène à formuler l’hypothèse que les besoins sont de trois ordres. Pour en favoriser la rétention et « répondre » en quelque sorte aux trois B, nous vous les proposons dans une formule trois C.
Dans l’environnement VI2CA ((Volatile, incertain et interdépendant, complexe et ambigu) qui est le leur, les organisations ont besoin de plus de :
Communication et d’information : l’information (et sa détention, voire… sa rétention) sont encore trop largement considérées comme des sources de pouvoir. Or, s’il fut un temps où l’information était rare, nos organisations n’en manquent aujourd’hui plus (on parle d’infobésité) et, qu’on le veuille ou non, elle circule et se diffuse à des vitesses et en des lieux (dans l’organisation et en dehors) que plus grand monde ne peut maîtriser. On peut dès lors soit, comme dans l’ancien monde du travail, vivre avec l’illusion qu’il est possible de la contrôler et de la destiner à un public privilégié, soit renoncer à cette illusion et faire de cette information et de sa gestion (infomanagement, transparence, partage de connaissances, sécurité, …) un levier de performance collectif.
Collaboration et de coopération : les problématiques rencontrées sont de plus en plus complexes et elles dépassent généralement le cadre d’un silo, d’un département, d’un pilier dans l’organisation. Les stratégies « politiques » (au sens de ce qui est « Relatif à l’organisation, à l’exercice du pouvoir dans une société organisée ») des individus mettent plus que jamais en péril les organismes qui les emploient et il devient indispensable, pour assurer la pérennité d’une organisation, de collaborer (en interne bien sûr, mais de plus en plus aussi avec les parties prenantes, voire parfois avec les « concurrents » devenus concullègues – voyez ce qui se passe dans monde automobile allemand depuis l’émergence de Tesla).
Codécision : les structures bureaucratiques (au sens mintzbergien du terme) se caractérisent par une centralisation du pouvoir qui conduit fréquemment à des aberrations. La vitesse et la pertinence des décisions s’en trouve affectée et conduit à des frustrations, à une déresponsabilisation et à un désengagement des forces vives de l’organisation. Les exemples sont nombreux de ces décisions dont on se demande ce qui justifie qu’elles soient prises à des niveaux stratégiques, tellement éloignés des réalités opérationnelles. Les organisations qui veulent performer doivent diffuser le pouvoir en leur sein. Tout le pouvoir ? Non, bien sûr ! Mais le principe devrait être qu’une décision doit être prise au niveau le plus bas où elle peut l’être bien.
Ce n’est nous semble-t-il qu’à ce stade qu’interviennent les 3 B bien compris. Et donc, pour chaque choix posé en matière de bytes, de bricks et de behaviours, il y a lieu de se demander dans quelle mesure il contribue à améliorer la communication, à accroître la collaboration et à rendre les processus décisionnels plus pertinents et efficaces.
Les « Bytes »
La technologie joue un rôle fondamental dans un monde du travail désynchronisé et déspatialisé. Comment mettre les technologies de l’information au service de la performance et du bien-être collectifs et ne pas en faire un nouveau goulot d’étranglement ou un labyrinthe où tout et tous s’égarent ? Travailler où et quand on veut, se réunir à distance, accéder à une information valide, éviter les versions multiples et/ou obsolètes … Ce sont là certains des nouveaux défis des nouvelles formes de management.
Les « Bricks »
La configuration des lieux de travail change sous l’influence des nouvelles technologies, du prix du mètre carré de bureau et d’une tendance générale à la baisse de l’occupation des lieux de travail. Des hiérarchies plus plates et des organisations qui travaillent plus fréquemment en mode projet impactent également les besoins d’espaces de travail flexibles et variés, à l’acoustique soigneusement étudiées, disposant d’un réseau et d’un équipement digital de qualité et sécurisé ainsi que d’une gestion digitale (on peut réserver un lieu où que l’on soit, qui que l’on soit là où auparavant, votre statut pouvait vous valoir des privilèges).
On en profite également pour repenser l’ergonomie, pour envisager les stations debout et/ou assise, les espaces propices à la concentration et/ou à la détente, …
Les « Behaviours »
Les bytes and bricks ne sont rien (voire sont contre-productifs) s’ils ne s’accompagnent pas de nouveaux comportements managériaux et professionnels stimulant l’autonomie, la collaboration, le partage de connaissances, la responsabilité, l’innovation, la proactivité…
Article initialement publié sur la page LinkedIn de Robert Duthy.
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