
Dans un article précédent (Pas si simple l’assertivité), je mentionnais une réflexion qu’il m’arrive d’entendre en formation : « j’ai déjà fait ce que tu dis mais l’autre n’a pas changé ». Dans le même ordre d’idée, je peux également rapporter celle que j’entends (je crois pouvoir l’affirmer) lors de chaque module, quelle que soit la thématique abordée : « oui, mais ce sont les autres qui devraient changer » ou, dans la même catégorie « c’est mon chef qui devrait venir en formation ».
Loin de moi l’idée de dire que ce n’est pas vrai. Je n’ai cependant pas le pouvoir (et la majorité de mes participants non plus) de contraindre qui que ce soit à participer à une formation, à s’impliquer dans un coaching ; moins de pouvoir encore de les contraindre à changer d’attitude.
« Mais à quoi bon, Françoise ? … » « Moi, je devrais faire des efforts pendant que les autres ne changent rien à leur comportement ? » « J’essaye, moi, de bien faire les choses mais mon collègue reste toujours aussi désagréable » …
Si, à travers nos lectures, nos expériences, durant des formations, nous identifions chez nous des comportements qui pourraient être modifiés, améliorés, nous pouvons évidemment faire le choix de ne rien y changer : le fait que nous nous exprimions de manière assertive, en nous respectant et en respectant notre interlocuteur n’aura pas comme conséquence que l’ensemble de mon entourage va adopter le même comportement ; adopter un leadership participatif, être à l’écoute de ses collaborateurs et de leurs besoins, leur communiquer des objectifs SMART,… ne garantit pas que votre équipe va voir sa motivation monter en flèche, suivie de près par la productivité ; tenter de résoudre un conflit en proposant d’ouvrir le dialogue ne signifie pas que la partie « adverse » va accepter cette invitation et encore moins que les conflits se règleront dorénavant dans le calme et la sérénité.
Oui, certaines personnes que nous côtoyons adoptent des attitudes et comportements irrespectueux, blessants, démotivants, … Non, changer nos attitudes et comportements ne garantit en rien que les tensions que nous vivons vont disparaître ni que nos interlocuteurs vont adopter les comportements que nous estimons appropriés. Nous pouvons dès lors faire le choix de ne rien changer : « si lui ne change pas, alors moi non plus », « j’attends que les autres s’y mettent pour faire un effort moi aussi ». C’est un choix. Il en existe un autre…
J’utilise souvent deux métaphores en début de formation : celle du mètre carré de jardin et celle de la toile d’araignée…
Traçant symboliquement un carré autour de moi, je présente ce point de vue aux participants : nous avons chacun un mètre-carré de jardin, mètre-carré que nous pouvons entretenir comme bon nous semble. Et il arrive que, regardant par-dessus notre clôture, nous constations que notre voisin n’apporte pas le même soin que nous à son jardin : orties, chiendents, chardons, … Comme nous aimerions lui donner nos recettes, lui expliquer comment faire pour avoir un aussi joli jardin que le nôtre, voire passer la clôture pour arracher toutes ces mauvaises herbes et remettre un peu d’ordre là-dedans… Mais ce n’est pas possible… Chacun son jardin… Par contre, je peux espérer que mon voisin se rende compte que son jardin ne lui apporte pas le plaisir que l’on peut attendre de pareil espace, plus encore s’il devait constater que, chez son voisin (vous, moi), de bien jolies plantes s’épanouissent.
L’autre métaphore est celle de la toile d’araignée. Ceux d’entre vous qui connaissent l’approche systémique ne seront pas dépaysés. Si nous pouvons considérer que nous vivons dans une mètre-carré de jardin, il est également judicieux de percevoir notre environnement comme un système dont nous faisons partie et que, dès lors, nous influençons. Un peu comme une toile d’araignée qui, si l’un de ses fils est touché, va entièrement se mettre plus ou moins en mouvement. Plus ou moins car nous ne savons pas quelle va être l’ampleur du mouvement aux différents endroits de la toile : elle en sera toutefois entièrement impactée.
Changer nos attitudes et comportements n’amènera probablement pas l’ensemble de notre entourage à adopter les mêmes manières d’être et de faire ; cet exemple et ses conséquences peuvent cependant, tels des ronds dans l’eau, « contaminer » ceux qui vous entourent : oui, si vous changez votre manière de vous comporter, votre entourage va être surpris. Et oui, à force de persévérance, vous pourriez donner envie à d’autres d’oser eux aussi le changement. Et d’autre part, changer nos attitudes et comportements va, puisque nous appartenons à un système, modifier ce même système ; pas forcément autant et comme nous le souhaiterions, mais il va changer. Si j’ai pour habitude de m’écraser et de m’énerver lorsque l’on me fait une remarque, adopter un comportement assertif va demander une autre réponse que celle à laquelle fait d’habitude appel mon interlocuteur :
« J’entends bien ta remarque, Rémy, et cependant, je n’y adhère pas parce que… » aura en effet un impact bien différent d’un « oh pardon, Rémy, je suis vraiment désolé Rémy… » ou « t’as qu’à le faire toi-même si ça n’te va pas ! ». Quel sera cet impact ? Je n’en sais rien ; à vous de le découvrir 🙂
« Oui mais quand même Françoise, on a beau donner l’exemple, ça n’empêche pas certains de n’en avoir rien à faire ! Regarde ! Pour moi, l’environnement, c’est hyper important ! Respecter la nature, c’est une valeur chez moi ! Et quand je vois quelqu’un qui jette ses crasses par terre, ça me met hors de moi ! Je deviens agressive ! Et ils s’en f… Ils ne ramassent quand même pas leurs crasses ! »
Cet exemple m’a été donné en formation. Il est en effet parfois extrêmement frustrant d’être confronté à certains comportements. Et d’être confronté à nos limites… à notre mètre-carré de jardin. À nouveau, nous avons le choix : pester contre ceux qui n’adoptent pas les comportements qui nous semblent juste ou accepter cet état de fait et agir dans notre mètre-carré.
Un exemple concret ? L’exemple relaté ci-dessus me parle tout particulièrement : je suis moi-même attentive à respecter au mieux la nature et ne peux concevoir de jeter le moindre papier en dehors d’une poubelle (idéalement, poubelle à papier, vive le tri J ). Or, je viens d’avoir la chance de garder la maison d’amis durant trois semaines, amis qui ont un chien que j’allais promener matin et soir dans le parc voisin. Et, ô rage, ô désespoir, alors que des poubelles sont disposées à peu près tous les cent cinquante mètres, le parc était parsemé de détritus : canettes, bouteilles en verre et en plastique, emballages divers, … Ces moments de balade qui auraient dû être idylliques (ce superbe parc mène à l’océan…) faisaient monter la colère en moi… Cela n’a fort heureusement pas duré bien longtemps. On a beau être en vacances, on n’est pas formateur qu’en classe : les beaux discours, ça marche aussi dans la vraie vie 🙂
Et donc, plutôt que de dépenser mon énergie à m’énerver inutilement contre des individus que mon énervement ne toucherait en aucune manière, à l’égard desquels je n’avais pas le moindre pouvoir, j’ai décidé d’utiliser cette énergie utilement, au regard de mes valeurs : en plein « Pokemon Go », j’ai opté pour le « Crasse Go » et ai ramassé ce que je trouvais sur mon chemin. « Pfff, c’est pas à toi à ramasser les crasses des autres… », « c’est pas ça qui va changer les choses… » Je ne sais pas si c’est à moi ou pas de ramasser, si cela va modifier le cours des événements… Ce que je sais, c’est que cela a changé mon état d’esprit, que les balades sont devenues pleinement agréables, que j’en suis rentrée pleine d’énergie positive. Je sais aussi qu’une skateuse m’a remerciée. Que j’ai vu d’autres personnes dans le parc avoir le même comportement. Je ne dis pas que j’ai eu cette conséquence. Et moins encore que telle était mon intention. Si telle avait été mon intention, ma satisfaction aurait été liée à l’atteinte de cet objectif. Tel n’était pas le cas. J’adoptais simplement le comportement qui me semblait le plus juste, en accord avec mes valeurs et dans ma sphère d’influence. Connaissez-vous l’histoire du colibri ?
La forêt est en feu, les animaux sont en train de se sauver pour s’éloigner des flammes. Et là, un des animaux voit un petit colibri qui fait des aller-retours entre le lac voisin et l’incendie, remplissant son bec d’eau pour verser ces quelques gouttes sur le brasier. Et l’autre animal de lui crier : « Colibri, Colibri, mais qu’est-ce que tu fais ?! A quoi bon ?! » Et le colibri de répondre : « je fais ma part. »
Nous avons le choix de faire notre part, avec nos moyens, dans notre espace d’influence. Non, il ne s’agit pas de vouloir changer le monde et pourtant, nous le changeons, à notre niveau. Et à tout le moins, nous sommes satisfaits de nous. Qui sait ce qu’entraîneront ces changements…
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