Motivation – Les 8 caractéristiques d’une expérience optimale
Dans cet article, il sera question de motivation, de ce qui nous est arrivé cette semaine, du lien avec les travaux de Mihály Csíkszentmihályi sur l’expérience flow, de nos propres réflexions et de deux questions que je souhaite vous poser sur la motivation dans VOTRE équipe. Un joyeux partage d’expérience et de questionnement.
Mais commençons par le commencement…
Mercredi 17 h 13, sms :
« 1 appel d’offres pour demain 12 h. Je scanne ? »
Brossons le tableau. Nous sommes en vacances à 800 kilomètres de l’endroit où notre offre doit être déposée demain à 12 h et ma fille est passée à la maison pour jeter un œil au courrier. Il nous reste une semaine et demie de vacances. Nous n’avons aucune idée de la teneur de l’appel d’offres (75 pages), de la complexité du dossier, de nos chances de l’emporter. Il s’agit toutefois d’un client que nous apprécions et qui nous fait confiance depuis quelques mois.
Nous disposons de moins de dix-huit heures pour constituer un dossier complet et solide et le déposer le lendemain à 800 km de notre lieu de villégiature, en version papier.
Premier réflexe : non, c’est impossible !
Il est pourtant probable que ce caractère impossible et totalement fou ait contribué à nous motiver.
Car le lendemain à 11 h 50, l’offre (que Françoise avait rédigée pendant que je parcourais les 800 kilomètres de nuit) était déposée chez le client. Nous venions l’un et l’autre de passer une nuit blanche … et fun.
C’est durant le trajet du retour qu’a germé l’idée de cet article : alors que nous préparons une conférence et un « coaching game » sur la motivation, nous voilà confrontés à une expérience hyper mobilisatrice : qu’est-ce qui la rendait donc si motivante ?
La route (solitaire) du retour a donc été l’occasion d’un long brainstorming et, comme il se doit, les mots se sont entrechoqués :
Au fur et à mesure que les mots s’enchaînaient, ils me semblaient évoquer les travaux de ce psychologue hongrois au nom imprononçable sur l’expérience optimale… L’expérience flow… Mihály Csíkszentmihályi ! Et si nous avions vécu une expérience flow ? Une fois reposés, nous avons donc googlé (et comme il n’y a pas de hasard, le lendemain nous trouvions son livre chez un bouquiniste rochelais).
Quelles sont les huit caractéristiques de l’expérience flow identifiées et décrites par Mihály Csíkszentmihályi ?
- La tâche est réalisable mais constitue un défi : elle se situe dans cette zone d’équilibre entre stress et ennui et mobilise nos compétences. Et elles l’ont été :-).
- L’individu se concentre sur ce qu’il fait : Nous avions, durant ces 18 heures, notre attention totalement focalisée sur le travail à réaliser.
- La cible visée est claire : ça a été notre première préoccupation. Identifier la cible. De quoi s’agissait-il ? Quels lots allions-nous cibler ? Auxquels allions-nous renoncer ? Avec quels partenaires ? Qu’avions-nous ? Que n’avions-nous pas ? Qui allait faire quoi ? (Pour l’anecdote, il fallait remettre l’offre sur papier ET sur clé USB. Pour être sûr d’en avoir une, elle fut achetée dans une aire de repos d’autoroute… Le choix était restreint : sa photo – une clé Dark Vador : que la Force soit avec nous – illustre l’article. Il n’y a décidément pas de hasard :-)).
- L’activité en cours fournit une rétroaction immédiate : c’était effectivement le cas. Chaque kilomètre, chaque ligne de programme de formation rédigée nous indiquait que nous progressions dans la bonne direction.
- L’engagement de l’individu est profond et fait disparaître toute distraction. Françoise a travaillé plus de 11 heures d’affilée pour rédiger une offre dont nous croyons qu’elle tient la route… pendant que je m’efforçais de la parcourir (la route) en toute sécurité. Ni l’un ni l’autre, nous n’avons ressenti le besoin de nous distraire durant tout ce temps. Bien nous en a pris : l’offre a finalement été déposée moins d’un quart d’heure avant l’heure fatidique. Des pauses pour la sécurité, oui, des distractions : non !
- La personne exerce le contrôle sur ses actions : nous étions évidemment aux commandes de nos actions et ne dépendions de personne… si ce n’est de la technique et d’une éventuelle tuile (nous y reviendrons).
- La préoccupation de soi disparaît, mais, paradoxalement, le sens du soi est renforcé à la suite de l’expérience optimale. Si Csíkszentmihályi parle du « soi », il nous semble également pertinent de parler du « nous » et du caractère collectif (aussi) de la motivation.
- La perception de la durée est altérée : oui et non en l’occurrence. Oui dans le sens où Françoise n’avait aucune idée (et ne l’a eue qu’à posteriori) du temps qu’elle avait passé à travailler. Non, dans le sens où il s’agissait en l’occurrence d’une course contre la montre et que nous avions une conscience exacerbée du temps, si pas qui passait, au-moins de celui qui restait.
S’agissait-il ou non d’une expérience flow ? Ce fut en tout cas un moment agréable et enthousiasmant qui nous semble assez proche de ça.
Quelles sont les autres caractéristiques de l’expérience que nous avons vécue ? Et qu’en retenons-nous ?
Première caractéristique : l’envie, et en l’occurrence, l’envie partagée et exprimée. L’un des membres de l’équipe doit donc oser être assez fou pour imaginer qu’on puisse réussir… et assez confiant pour le dire… Et si à ce moment, tous les regards pétillent, on sait qu’il y a suffisamment d’énergie et de motivation pour tenter l’aventure.
Deuxième élément : le partage des tâches, l’attribution des rôles. Le choix a en l’occurrence été vite fait et n’a pas donné lieu à discussion. Cette rapide clarté dans le « qui fait quoi » a été salutaire pour la suite des opérations.
Nous parlions de suffisamment de confiance pour dire. Il en faut aussi suffisamment pour (laisser) faire…
Imaginons que pendant que l’un parcourt les 800 kilomètres, l’autre se dise que ça ne sert à rien, que de toute façon l’autre va avoir sommeil sur la route et être contraint de s’arrêter. Ou qu’il se mette à envoyer des dizaines de SMS commençant par « N’oublie pas de … ». De toute évidence, lorsque l’expérience flow est collective, elle nécessite de la confiance :
- confiance en soi d’abord : je peux apporter une contribution de qualité;
- confiance en l’autre : il est fiable, va tenir ses engagements et sa contribution sera de qualité;
- et, plus surprenant peut-être, confiance dans l’information et le matériel dont nous disposons : nous savions (même s’il y a toujours un mini stress) que lorsque nous presserions le bouton « confirmer l’impression », les 100 pages de l’offre sortiraient en moins de deux minutes.
Qu’une seule de ces confiances soit manquante et l’expérience ne sera plus optimale !
Il faut également, tout au long de ce processus où l’envie et l’enthousiasme génèrent une énergie folle, conserver suffisamment de lucidité pour ne pas perdre l’objectif de vue, pour ne pas se lancer dans de grands travaux inutiles, pour ne pas se perdre en chemin. La focalisation dont parle Csíkszentmihályi s’accompagne donc de lucidité et d’énergie : si c’est le cas, l’efficience est au rendez-vous.
Ces expériences optimales sont souvent intenses et suffisamment longues pour que notre organisme flirte avec la fatigue… et le stress…
Et c’est alors qu’on voit la ligne d’arrivée qu’il faut redoubler d’attention car les pièges guettent.
Nous en avons identifié trois :
- Ce type d’expérience crée un état d’euphorie bien agréable et utile… qui pourrait toutefois avoir un sérieux effet néfaste s’il empêche la saine confrontation des points de vue et l’expression de critiques. Plaisir, bien-être et enthousiasme, certes… mais jamais au détriment de la qualité.
- Les tensions relationnelles liées à la fatigue et à la focalisation : confrontation et critiques, certes mais il faut à ce moment être particulièrement attentif (de part et d’autre) à la manière dont on communique sans quoi une étincelle peut mettre le feu aux poudres et transformer l’expérience optimale en expérience, mémorable certes mais… pour des raisons moins positives…
- Le relâchement coupable : alors que la ligne d’arrivée est en vue, la tentation est grande de relâcher quelque peu la pression. Ce serait une grave erreur. Souvenons-nous du lièvre et de la tortue.
Nous vous avions annoncé deux questions. Il y en aura finalement trois 🙂
Vos contributions nous aideront peut-être à enrichir la conférence que nous animerons au Salon Epsilon (qui comprendra naturellement bien d’autres éléments que cet article et s’intitule « et si on parlait d’émotivation ? »).
Les voici :
- Dans votre travail, dans votre équipe, si vous vous remémorez la dernière expérience optimale, quels étaient les éléments qui la caractérisaient ?
- Et si ça fait trop longtemps que ça n’est plus arrivé, qu’est-ce qui l’empêche ?
- Et comment en recréer et ainsi accroître la motivation de vos équipes ?
Merci de votre attention et vivement vos contributions (même critiques !).
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