
Lorsque débute un cycle MBSR (Mindfulness based stress reduction – réduction du stress par la pleine conscience), un des premiers éléments abordés est celui des attentes. Pourquoi êtes-vous là ? Qu’espérez-vous de ces séances ? Qu’attendez-vous de ce cycle ? Et ce qui va alors être proposé est de mettre ces attentes de côté. J’invite pour ma part mes participants à déposer leurs attentes par écrit pour leur demander ensuite de me les remettre sous enveloppe fermée, qu’ils ne récupéreront qu’en fin de cycle, 7 semaines plus tard.
Pourquoi cette invitation ? Pour nous permettre d’entrer dans la pratique sans but particulier, nous permettre d’être présents à ce qui se déroule d’instant en instant. Pour éviter les pressions non seulement inutiles mais contreproductives : « Je vais méditer pour me décontracter. Je vais passer un moment serein et relaxant. Il faut que je sente que je me décontracte. Je dois me sentir mieux, c’est à ça que ça sert ». Si ce n’est que méditation n’est pas synonyme de relaxation. Parfois oui, parfois non… Si ce n’est que cette focalisation, cette crispation vont à l’encontre du processus de la pleine conscience qui, comme le dit Kabat-Zinn, consiste à porter son attention délibérément et sans jugement sur l’expérience présente, moment après moment. Or, « je vais me relaxer » nous éloigne de l’expérience présente. Les « ça ne marche pas », « je n’y arrive pas » voire « je ne suis pas à la hauteur » risquent d’émerger. L’espace qu’occuperont ces évaluations, ces jugements de l’expérience ne sera plus disponible pour la simple expérience de l’attention à ce qui est. Et n’ayant pas de prise totale sur leur réalisation, il se pourrait que ces attentes soient sources de déception … évitable si on les écarte.
« Dis Françoise, j’entends bien ce que tu dis, mais je ne passe pas ma vie à méditer, je ne suis pas toujours sur mon coussin… »
Cette proposition ne se limite pas à la pratique sur le coussin. Notre vie est ponctuée de projets, d’objectifs. « Pas d’attente, pas de déception » n’est pas une invitation à délaisser nos buts mais plutôt à les clarifier.
Un exemple issu d’un module de pleine conscience : Anne prend un soin tout particulier à préparer ses voyages. Recherches sur Internet, en bibliothèque, identification des merveilles à découvrir, choix critique des hôtels, préparation des visites et excursions,… Cette phase de préparation est pour elle un moment de plaisir intense. Et, systématiquement nous dit-elle, arrivée sur place, le vécu n’est pas à la hauteur : l’émerveillement n’est pas aussi intense qu’imaginé, le plaisir est moindre que celui vécu lors de la préparation. Et la déception est au rendez-vous. Nous voici à nouveau face à des attentes :
« les choses devraient être comme ceci, se passer comme cela ».
Et le voyage consiste alors à vérifier que les attentes préalables sont bien rencontrées. Or, l’attention étant focalisée sur ces aspects, elle n’est pas disponible pour percevoir et accueillir ce qui se présente, moment après moment. Juste voir, juste découvrir, juste ressentir.
Un autre exemple, souvent entendu en formation : « oui, mais moi je modifie mon comportement et l’autre, lui, ne change rien… » Ce qui pose ici la question du but : quelle est mon intention lorsque j’adopte tel ou tel comportement, lorsque je pose telle ou telle action ?
Si j’adopte une attitude assertive, est-ce pour influencer mon interlocuteur et obtenir la réaction que je souhaite ou suis-je alors en train d’incarner le respect que je m’accorde à moi-même et à l’autre, suis-je en train de faire du mieux que je peux, suis-je attentif(ve) à ne pas nuire à la relation ?
Je dis bonjour et je n’obtiens pas de réponse… Je laisse passer un automobiliste dans une file et il ne me dit pas merci… Je prends des nouvelles d’une personne mais elle ne fait pas de même… Pourquoi suis-je poli(e) ? Pourquoi suis-je courtois(e) ? Pourquoi vais-je m’intéresser à l’autre ? S’agit-il pour moi d’être en accord avec mes propres valeurs ou d’obtenir de la reconnaissance, d’influencer le comportement de l’autre ?
Quelle est mon intention ?
Que suis-je en train de faire ? A quelles fins ? Puis-je seulement avoir conscience de l’intention qui initie mon action ?
Outre l’intention qui guide mes actes, c’est aussi ma sphère d’influence qu’il me faut observer : si mes attentes dépassent ma sphère d’influence, il y a fort à craindre que la déception sera au rendez-vous. Je n’ai pas le pouvoir de modifier le comportement de l’autre, de le transformer, de le rendre tel qu’il me semble devoir être. Je n’ai pas le pouvoir d’influencer la météo, les files sur la route, le temps qui passe…
L’absence d’attente libère de l’espace (cognitif, affectif, …) pour accueillir ce qui est. Et certes, le ciel est couvert et je n’ai pas droit à ce magnifique coucher de soleil que j’avais vu dans le magazine… Ta main est toutefois dans la mienne et nous avons passé une belle journée ensemble. Et ce que le coucher de soleil ne m’offre pas, ton sourire et ton regard peuvent me le donner au centuple… Et mon attention à ce qui est (et non pas à tout ce qui aurait pu être) me permet d’en profiter pleinement.
Pas d’attente, pas de déception … et de potentielles bonnes surprises !
Laisser un commentaire