J’assure maintenant depuis 15 ans des formations sur les lieux de travail. Aussi loin que je me souvienne, la question des émotions au travail s’est posée, que la formation porte sur la communication, la gestion de conflit, le leadership, …
« Faut-il ou non exprimer ses émotions sur son lieu de travail ? »
Et les avis, souvent tranchés, peuvent aller du « je lâche tout » au « quand j’arrive au boulot, je mets sur off ».
Mais au fait, c’est quoi, les émotions ?
Les émotions constituent un merveilleux (certes parfois encombrant) cadeau de Mère Nature. Face à une situation, et de façon largement inconsciente, nous allons réaliser une évaluation : dois-je accorder de l’importance à cette situation ? Peut-elle avoir un impact favorable ou défavorable ?
En fonction des résultats de cette évaluation, notre organisme va réagir, enclenchant diverses manifestations physiologiques. Notre corps est ainsi prêt à faire face à la situation : l’émotion est un mécanisme d’adaptation.
Un exemple… On sonne à la porte, vous ouvrez et découvrez votre meilleur(e) ami(e) que vous n’avez plus vu(e) depuis plusieurs mois. Évaluation : un manque se trouve ainsi comblé. L’émotion de joie est au rendez-vous. Vos lèvres s’étirent, votre respiration s’amplifie, vous ressentez une sensation d’ouverture. Votre intention d’action : aller vers votre ami(e) et l’embrasser. Et vous le faites. Retrouvailles joyeuses. Le début d’une belle soirée.
Un autre exemple… Vendredi soir, vous êtes installé(e) devant la télé. Le téléphone sonne. Votre cousin vous annonce la mort de son père, votre oncle préféré. Évaluation : il s’agit de la perte d’un être qui vous était cher. La tristesse apparait. Larmes, baisse d’énergie, crispation musculaire. Votre intention d’action : vous recroqueviller sur vous-même, vous remémorer vos souvenirs communs. Et ainsi se passera votre week-end.
Bref, les émotions constituent un mécanisme d’adaptation qui vous permet de réagir de manière adéquate aux situations que vous rencontrez.
Revenons au milieu professionnel : vous êtes au travail. Votre supérieur hiérarchique entre comme un ouragan dans votre bureau et, le verbe haut, vous passe un savon. Évaluation 1 : son attitude vous semble tout à fait inacceptable et injuste. Votre cœur s’accélère, votre mâchoire et vos poings se contractent, vous transpirez. La colère vous envahit. Évaluation 2 : vous ne faites pas le poids face à lui, il pourrait vous nuire, vous avez une maison à payer. Il y a danger. Là aussi, votre cœur s’accélère, vos musclent se crispent. Intentions d’action : dans le premier cas, vous pourriez avoir envie de vous aussi, élever la voix, voire de l’agresser physiquement ; dans le second, une seule envie : vous enfuir !
Et là, les choses se corsent : il n’est en effet admis en milieu professionnel, ni de mettre une baffe à votre patron, ni de vous sauver en courant…
Les réactions habituelles
Et certains se trouvent confrontés à cette difficulté : envahis, dépassés par leurs émotions, ils se trouvent confrontés à un dilemme : les exprimer d’une manière largement considérée comme inadéquates (explosion de colère, larmes incontrôlables, …) ou s’en interdire l’expression (et avoir l’impression de perdre le contrôle ou d’être paralysé(e)…
La peur de sa propre réaction peut alors devenir aussi envahissante que l’émotion … et plus invalidante : certains iront jusqu’à éviter les situations susceptibles de provoquer des émotions, leur confiance en soi en souffrira, tout comme leurs relations sociales… et leur efficacité professionnelle.
Pour éviter le débordement, d’autres optent pour la solution « mettre sur off », et se coupent de leurs émotions. Du moins c’est ce qu’ils croient. Comme nous l’avons brièvement expliqué, une large partie de nos réactions émotionnelles est inconsciente. Il s’agit dès lors d’étouffer, de lutter contre les réactions que les émotions bâillonnées suscitent.
L’image que j’utilise pour illustrer cette lutte est celle d’un ballon de plage que l’on tenterait d’enfoncer sous l’eau : non seulement cela demande beaucoup d’énergie mais en plus le ballon finit par glisser et bondir hors de l’eau en percutant le nez de celui qui s’évertuait à le maintenir enfoncé.
Une autre image pourrait être celle du lion : vouloir lutter à mains nues contre lui n’aurait aucun sens, quant aux chances de lui échapper en courant, elles sont nulles… Beaucoup d’énergie dépensée pour une absence de résultat durable.
Et pourtant, nous avons tous en tête les images de rares humains jouant avec des lions. Une relation qui ne peut être obtenue par la force ou en se laissant soumettre. Une relation qui nécessite d’apprivoiser l’animal.
Apprivoiser ses émotions
Qui dit apprivoiser dit d’abord connaitre pour ensuite pouvoir reconnaitre. Quand et comment se manifestent mes différentes émotions ? Quels sont les ressentis corporels qu’elles provoquent ? Quelles sont les pensées qui les accompagnent ? Puis-je identifier des schémas de pensées, des enchainements systématiques de pensées qui, en situations comparables, vont automatiquement se mettre en route ? Quelles sont les situations sources d’émotions désagréables ? Comment suis-je en train d’évaluer la situation ? Puis-je identifier le besoin qui se manifeste alors ?
Plus facile à dire qu’à faire ? Oui, tout à fait. Et non, aucune baguette magique n’existe.
Il est toutefois possible de progresser … à condition de s’entrainer. Et la pleine conscience (mindfulness) me semble constituer une intéressante piste, un joli chemin. Ni outil, ni recette miracle, la mindfulness permet de progressivement entrer plus efficacement en relation avec ses propres émotions. Les percevoir, les identifier et de dès lors pouvoir choisir. Pouvoir choisir vos émotions ? Non bien sûr ! Mais vous pourrez développer votre capacité à mieux choisir ce que vous en ferez…
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Évaluer et choisir
Choisir consciemment. Choisir de ne pas se laisser déborder, tout d’abord. Choisir également de la suite à donner à l’intention d’action qui se manifeste. Choisir d’exprimer le besoin qui se manifeste ou de le taire. Choisir de l’exprimer sous une forme adéquate.
Revenons à notre situation : vous êtes au travail. Votre supérieur hiérarchique entre comme un ouragan dans votre bureau et, le verbe haut, vous passe un savon.
La peur ou la colère, selon l’évaluation, pointe le bout de son nez. Votre connaissance de vous-même vous permet alors de ressentir les modifications se manifestant dans votre corps, signal d’alarme auquel vous prêtez l’oreille. Et qui vous invite à également porter attention aux pensées qui pourraient alors se mettre en route, qui pourraient influencer le jugement que vous êtes en train de porter sur la situation. Signal d’alarme qui vous invite à plus d’objectivité. Et vous offre dès lors la liberté de choisir votre réaction. Comme exprimer assertivement votre point de vue. Mais c’est une autre histoire 🙂
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